Yeux

Ci-dessous un extrait de l’article tiré de Kiteboarder Magazine "The Eye of the Rider" 
 
Regarder le soleil est très dangereux pour les yeux, vous le savez. C'est pourtant ce que nous faisons pendant des heures et souvent sans lunettes, en particulier pendant l'apprentissage du kite par vent de secteur nord dans notre hémisphère. Passée la phase où l'on garde en permanence l’aile dans le champ visuel, nos yeux restent exposés aux UV en raison de leur réverbération sur l'eau. Cela peut se terminer avec une seringue plantée dans l’œil, des yeux tailladés au ciseau, des points de suture sous les paupières. C’est toujours mieux quand c’est chez les autres, lisez donc bien la suite pour éviter d'en arriver là et trouvez-vous des lunettes ! 

Pin-gué-cu-la, petit modèle 
Cette tache jaunâtre en relief sur le blanc de l'œil touche près de 40 % de la population australienne. Elle est très fortement corrélée à l'exposition aux UV, au vent et aux poussières. Positionnée sur la conjonctive (blanche), le plus souvent du côté du nez, la pinguécula ne pose pas d’autres problèmes qu'esthétiques, ce sont d’ailleurs souvent les autres qui l'aperçoivent les premiers. Elle peut cependant provoquer chez certains sécheresses et irritations, tel un corps étranger dans l’œil, ainsi que des rougeurs. La pinguécula peut parfois être le siège d'une inflammation chronique douloureuse, la pinguéculite, qui peut justifier son ablation chirurgicale. Une pinguécula peut ne plus progresser ou au contraire évoluer en ptérygion. 

Pté-ry-gion, grand modèle 
Un voile triangulaire envahit progressivement la cornée jusqu'à parfois recouvrir la pupille. Il peut ne pas être gênant mais peut aussi provoquer des démangeaisons ou de l’astigmatie en déformant la surface cornéenne. S’il envahit le centre de la cornée, le champ visuel sera altéré et peut conduire à des troubles sévères et irréversibles. Avant d’en arriver là, votre ophtalmo vous proposera évidemment une intervention chirurgicale afin de le retirer. La vitesse de croissance du ptérygion est très variable, elle peut se faire en quelques mois ou en plusieurs années. Il demeure en général stationnaire après une invasion de quelques millimètres sur la cornée, impossible cependant de savoir si sa croissance se poursuivra ou pas. Dans de très rares cas, il peut bloquer le champ visuel. 

Les conditions 
Pinguécula, Ptérygion comme la kératose sont des lésions actiniques, c’est-à-dire liées aux rayonnements UV. On les appelle des maladies de marins parce qu’associées à la vie au grand air sur des surfaces réfléchissantes telles que l'eau (20 % des UV réfléchis). La plage (10 % réfléchis) et surtout la neige (80 %) sont d’autres terrains favorables, mais on a tendance à mieux s’y protéger. Le vent, les poussières, le sable et tout ce qui provoque des irritations sont des facteurs aggravants qui font des kitesurfeurs des cibles de choix. Finir chaque session avec les yeux explosés par les embruns peut proposer un terreau favorable aux lésions actiniques. L'incidence du ptérygion est particulièrement forte sous les tropiques, mais d’après l’ophtalmologue Nicolas Mesplié, surfer de St-jean-de-Luz, le rider qui pratique intensément à Calais est autant exposé que le Marseillais, car les UV mènent aussi leur travail de sape à travers une épaisse couche nuageuse. Une étude suggère par ailleurs que l'exposition aux UV dans l’enfance favoriserait l’émergence du ptérygion. Les jeunes yeux ne sont pas encore équipés pour filtrer les UV, il faut donc absolument les protéger avant 10 ans. Cela ne signifie pas pour autant qu'on puisse les priver de lumière naturelle : c'est la cause de l’explosion des myopies fortes en Asie. 

Prophylaxie 
On doit aux UV-A le bronzage, mais aussi le vieillissement de la peau et du cristallin. Ils peuvent générer des ptérygions ou des cataractes précoces (opacification du cristallin). Les UV-B sont responsables des coups de soleil et des cancers. A noter que dans 10 % des cas, un ptérygion peut dissimuler des lésions pré-cancéreuses. Pour s’en protéger, à la plage comme sur l’eau, il faut porter des lunettes de soleil, peu importe qu’elles soient de grande marque ou pas, du moment qu'elles sont frappées du sceau CE qui garantit la filtration de ces UV. Le Dr François, spécialiste de la formation médicale des marins confesse « Je passe beaucoup de temps à l’eau, mais jamais sans mon bob et des lunettes solaires antidérapantes. Avec mon look de touriste allemande, je fais jaser les mecs qui soignent un peu trop leur image, mais je m’en contrefiche, risquer une opération de l’œil par coquetterie, très peu pour moi ». 

Une fois la tumeur apparue, le port des lunettes revêt plus d'importance encore, afin d'en limiter sa croissance. Le Dr Mesplié suggère de s’instiller quelques gouttes de collyre avant et après la session. Sans que cela soit prouvé, il estime que cette hydratation pourrait limiter l’inflammation susceptible d'aggraver la lésion. En cas d’yeux rouges pendant 2-3 jours, consulter le généraliste afin d'appliquer brièvement des anti-inflammatoires. Quoi qu'il en soit, l’apparition d’une tumeur actinique sur l'œil mérite une surveillance médicale régulière. 

Vivent les binoclards 
Certains verres de lunettes de vue comportent un filtre à UV. Le port de lentilles est contre-indiqué pour toutes les activités aquatiques. Elles favorisent les irritations de la cornée et créent des portes d'entrées infectieuses potentiellement gravissimes. Leur friction pourrait favoriser une pinguécula et surtout son inflammation. Un ptérygion peut nuire à la tenue des lentilles en créant du relief. Les solaires de vue sont comme pour les autres la meilleure protection. En cas d’addiction aux lentilles, les journalières jetées en fin de session semblent le moindre mal. 

Chirurgie 
La principale complication de cette opération devenue routinière est un taux de récidive élevé, avec apparition dans l'année suivante d’une tumeur généralement plus coriace. Aussi on n’opère pas la pinguécula à moins de subir des douleurs ou d’être mannequin-yeux. Le ptérygion, s'il n’entraîne pas de gêne, n’impose pas d'être éradiqué. Cependant, lorsqu'il s'approche de la zone centrale de l’œil, il provoque un astigmatisme et gène la mobilité oculaire, mieux vaut alors ne pas tarder : la baisse de la vision qu’il induit est difficilement réversible et l'invasion de la pupille peut nécessiter des méthodes chirurgicales plus complexes (greffes de cornée) dont le résultat est plus aléatoire. L’intervention se pratique en ambulatoire sous anesthésie locale, cela signifie bien que le patient assiste à la découpe de son œil en direct. Certains chirurgiens pratiquent encore l’exérèse simple du ptérygion, technique à proscrire absolument tant la récidive est élevée, plus de 50 %. L’autogreffe conjonctivale pour boucher le trou (prélèvement d’un petit morceau de la surface oculaire, mais un greffon issu de placenta est aussi envisageable) exige des mains plus expertes, mais descend le taux de récidive à 10 %. Ces interventions sont prises en charge par la sécu, sachez toutefois que leur coût pour la société avoisine les 1000 €. Après l'opération, protection UV obligatoire, interdiction d'aller à l’eau pendant un mois et de gratter les fils de suture jusqu’à ce que des petits ciseaux vous en libèrent ! Il existe encore une autre technique mais qui tient du miracle : un surfeur a arraché son ptérygion en plongeant volontairement la tête dans l'eau après un take-off sur une vague de 10 m à Waimea ! 


Voir également : Visière et Lunettes de soleil et correctives